Berlin 1913 -1933 : une métropole moderne dans la tourmente


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Stage art / musique / littérature

 

Berlin 1913 -1933 : une métropole moderne dans la tourmente

 

De l’entrée dans la première guerre mondiale à l’avènement du nazisme, Berlin a été le

carrefour des avant-gardes européennes. C’est dans un climat d’angoisse et d’euphorie

qu’une mythologie est née : Berlin-Metropolis, la Babylone moderne au faîte de toutes

les innovations artistiques, apparaît dès lors comme la ville de la nuit, du cinéma et des

cabarets, tragique et insouciante, tentaculaire et dévorante, Ville Lumière qui rivalise

désormais avec Paris.

Dès 1913, les peintres expressionnistes évoquent une ville apocalyptique, rongée

par les masses et le progrès technologique : Meiner ou Kirchner peignent un Berlin

inquiétant et hanté par la guerre. En 1918, le dadaïsme venu de Suisse rencontre un

immense écho auprès des artistes berlinois, sensibles à ce mouvement de contestation

et de négation des valeurs traditionnelles. Georges Grosz y adhère avec enthousiasme

ainsi qu’Otto Dix revenu des combats. Ils croquent les scènes de la vie berlinoise où

mendiants, mutilés de guerre et prostituées racontent la misère effrayante d’une

humanité en déroute. Dans les années vingt, ces images presque caricaturales cèdent

place à une peinture froide et « objective » qui préfigure une ère déshumanisée, alors

même que les architectes et les urbanistes construisent frénétiquement une ville

moderne lumineuse.

C’est aussi à Berlin que l’avant-garde musicale a connu certaines réussites majeures.

Hindemith propose une «musique utilitaire» et démocratique destinée à la masse, il

s’intéresse à l’actualité de son temps dans le cadre du Zeitoper, type d’opéra pratiqué

aussi par Krenek. Alban Berg créé quasans doute l’un des plus importants du XXe siècle,

Wozzeck, qui mêle avec bonheur toutes les influences artistiques de son temps :

expressionnisme, néoclassicisme, atonalité, influence populaire et musique de cabaret.

Quant à Kurt Weill, il révolutionne le genre en compagnie de Bertolt Brecht pour le faire

entrer en résonance avec leurs valeurs politiques. L’Opéra de Quat’sous représenté en

1928 marque l’apogée de cette collaboration et connait un succès populaire immédiat.

Dans les poèmes et les premières pièces de Brecht, la ville condamne ses habitants à la

solitude et l’anonymat. De Tambours dans la nuit à Dans la jungle des villes, Brecht passe

progressivement de l’évocation d’un Berlin à peine sorti de la guerre et gagné par

l’insurrection spartakiste à un Berlin-Chicago devenu le symbole des contradictions

capitalistes. Mais c’est sans aucun doute Alfred Döblin qui, avec son roman Berlin

Alexanderplatz, publié en 1929, a su transformer la capitale allemande en un mythe

littéraire. La description précise et épique du peuple des bas-fonds, fondée sur

l’assemblage de monologues intérieurs et le montage de divers textes étrangers à la

narration, place l’œuvre résolument du côté de Céline, Joyce ou Dos Passos.

Berlin, métropole moderne, n’a pu qu’assister, impuissante, à l’anéantissement des

avant-gardes par le nazisme, entrant dans une tourmente historique que peintres,

musiciens et écrivains n’avaient pourtant cessé de prédire.