Vienne 1900-1914


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Plus qu’aucune autre ville d’Europe, Vienne est baignée en cette fin de XIXe siècle dans l’atmosphère décadente d’un monde finissant. Cependant, grâce à un imprévisible bouillonnement artistique, elle se réveille de sa léthargie pour se muer en une métropole moderne.

A l’égal de Londres et de Paris, la capitale de l’agonisant Empire austro-hongrois se dote d’un métro et d’autres infrastructures dont Otto Wagner, urbaniste en chef, surveille de près la construction. Dans cette nouvelle ville qu’il rêve « à croissance illimitée », d’autres architectes, plus jeunes mais qui se déclarent ses disciples, construisent des bâtiments d’une étonnante sobriété, allant jusqu’à éliminer tout ornement de leurs façades et posant ainsi les bases du modernisme (Adolf Loos). Cet espace urbain hygiéniste qui pourtant ne saurait cacher les sombres désirs enfouis de ses habitants devient alors le théâtre de la Sécession (fondée en 1897) dont les expositions à scandale choquent et fascinent les Viennois. Gustav Klimt et son élève le plus doué Egon Schiele imposent un style original où la décoration à outrance voisine avec une pureté absolue, toute japonisante, traduisant le caractère schizophrénique de leur époque. Ce n’est pas un hasard si la psychanalyse est née à Vienne. A travers la découverte d’une thérapie fondée sur la parole et l’interprétation des rêves, Freud révèle à ses contemporains effarés l’existence de l’inconscient et d’une vie psychique liée à la sexualité. Les écrivains viennois, de Robert Musil à Stefan Zweig, ne manqueront pas dès lors de sonder « la pénombre des âmes » et de montrer l’ambivalence profonde entre vie intérieure et morale bourgeoise. Arthur Schnitzler connait un succès de scandale avec ses nouvelles et ses pièces de théâtre qui montrent l’envers d’une société frivole et légère, où rôdent les spectres de l’angoisse et de la folie. A Vienne, tout passe par les cafés, foyers de culture et de discussions incessantes, et  c’est au célèbre Griensteild que Schnitzler fréquente le cercle  « Jeune Vienne », présidé par Hermann Bahr.  On y trouve aussi Hugo von Hofmannsthal qui a brillamment rénové la poésie lyrique,  Karl Kraus qui déploie un immense talent de polémiste ou Peter Altenberg poursuivant son œuvre singulière d’aphoriste. Ces auteurs, soucieux de rompre avec le naturalisme qui sévissait encore à la fin du XIXe siècle, ont ainsi ouvert la littérature autrichienne à la modernité. Le monde musical perd Johannes Brahms en 1897. Avec Anton Bruckner décédé l’année précédente, ils étaient radicalement opposés sur la question de la modernité wagnérienne et représentaient les deux faces d’un romantisme fin de siècle. 1897 est aussi l’année où Gustav Mahler est nommé directeur de l’opéra. Comme Hugo Wolf et Alexander von Zemlinsky, ce compositeur amène le langage musical au bord du gouffre, dans un post- romantisme désespéré, jusqu’au point de non-retour que franchit finalement Arnold Schoenberg en 1907, ouvrant le nouveau langage de la musique atonale. Tout vole en éclat, il n’y a plus de règles et il faut alors envisager d’en construire de nouvelles. Schoenberg devient le chef de file de la seconde école de Vienne avec ses élèves et amis Alban Berg et Anton Webern. Une fois encore, Vienne s’impose en un magnifique crépuscule qui éclaire tout le paysage musical européen. Au rythme d’une apocalypse joyeuse, Vienne danse sa dernière valse étrange avant que la première guerre mondiale n’éclate.